Mimas, une lune de glace de Saturne, pourrait cacher un noyau fortement aplati ou un océan interne

Mimas, une lune de glace de Saturne, pourrait cacher un noyau fortement aplati ou un océan interne


A partir d’observations réalisées par la sonde Cassini, une équipe internationale, comprenant Attilio Rivoldini de l’Observatoire royal de Belgique a mesuré la rotation de Mimas et y a détecté des oscillations. Non conformes aux modèles prédictifs, ces oscillations laissent penser que cette lune de Saturne pourrait abriter un noyau fortement aplati ou un océan sous sa couche de glace. Ces travaux font l’objet d’un article dans Science, le 17 octobre 2014.


Voici le communiqué de presse de l’Observatoire de Paris et de l’Université Pierre et Marie Curie:

A partir d’observations réalisées par la sonde Cassini, une équipe internationale, comprenant des chercheurs français de l’Observatoire de Paris et de l’Université Pierre et Marie Curie a mesuré la rotation de Mimas et y a détecté des oscillations. Non conformes aux modèles prédictifs, ces oscillations laissent penser que cette lune de Saturne pourrait abriter un noyau fortement aplati ou un océan sous sa couche de glace. Ces travaux font l’objet d’un article à paraitre dans Science, le 17 octobre 2014.

La rotation de Mimas a été mesurée à partir des images de la sonde ESA/NASA Cassini, à l’aide de la méthode dite de stéréophotogrammétrie. Cette technique permet de reconstituer en trois dimensions une portion de surface d’un objet, dès lors qu’il est observé au moins deux fois sous des angles différents. Pour ce faire, l’observation des divers cratères à la surface du satellite, par la caméra ISS-NAC à bord de la sonde Cassini, a permis d’obtenir un réseau de points de contrôle sur toute la surface de Mimas. C’est en comparant la position prédite de ces points de contrôle avec leurs observations durant différents survols de la sonde que le mouvement de rotation de Mimas a pu être établi.
Tout comme la Lune autour de la Terre, Mimas est en rotation synchrone autour de Saturne, sa planète. Cela signifie que ce satellite tourne sur lui-même à la même vitesse qu’il effectue une révolution autour de Saturne, montrant ainsi toujours la même partie de sa surface à sa planète.

Toutefois, à ce mouvement moyen uniforme, se superposent des oscillations. Ces oscillations sont appelées librations. Les librations résultent du couple de force gravitationnelle exercée par Saturne sur Mimas. Les travaux menés par l’équipe internationale impliquant des chercheurs français de l’Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides de l’Observatoire de Paris (Observatoire de Paris/CNRS/Université Pierre et Marie Curie/Université Lille 1), l’Observatoire royal de Belgique et l’Université de Namur (Belgique) ont permis de mettre en évidence deux types de librations. Or, sur les deux types de librations détectées, l’un présente une amplitude deux fois plus importante, incompatible avec le modèle de rotation d’un satellite, solide, à l’équilibre hydrostatique. Or, cette amplitude est révélatrice de la distribution de masse à l’intérieur du corps et de la présence ou non de couches liquides. Ces observations sont donc surprenantes et révèlent une structure interne intrigante.

Après avoir exploré plusieurs hypothèses, il apparaît que cette forte amplitude peut s’expliquer soit par la présence sous le manteau de glace de Mimas d’un noyau de roche de forme très allongée, soit par l’existence d’un océan interne caché entre sa surface glacée et son noyau.

En effet, les planétologues supposent que le noyau de Mimas doit être à l’équilibre hydrostatique (où les forces de gravitation, centrifuge et de pression s’équilibrent dans le corps) par conséquence d’un âge de formation très ancien. Or la forte amplitude de la libration à haute fréquence pourrait indiquer un noyau présentant un allongement de 20 à 60 kilomètres plus important que dans le cas hydrostatique. Si le noyau de Mimas est bien allongé, alors il aurait gelé depuis sa formation et aurait conservé en grande partie sa forme initiale. En revanche, si Mimas possède un océan interne, il rejoint alors le club des « satellites à océan interne » du système solaire incluant plusieurs lunes de Jupiter et Titan. Un tel océan global serait une véritable surprise car la surface de Mimas ne présente aucun signe d’activité géologique récente. Des observations supplémentaires de Cassini permettront d’affiner les modèles d’intérieur de Mimas.
Que ce soit l’une ou l’autre de ces deux solutions, nous savons dorénavant que Mimas, malgré sa surface apparemment ancienne criblée de cratères et sa petite taille, n’est pas l’astre froid et inerte que l’on imaginait. Percer le secret de son intérieur nous éclairera sûrement sur la formation de celui-ci, et par là-même sur la formation du système de Saturne dans sa globalité.

Référence

Ce travail de recherche fait l’objet d’un article intitulé « ‘Mimas’ surprising interior: Strong constraints from Cassini ISS libration measurements», publié dans Science, le 17 octobre 2014.

Collaboration

Ce résultat, fruit d’une collaboration internationale, implique la participation de Tajeddine R., Rambaux, N., Lainey, V., Charnoz, S., Richard, A., Rivoldini, A., Noyelles, B.