Une couche fondue à la base du manteau martien?

Une couche fondue à la base du manteau martien?


Bruxelles, le 26 octobre 2023 – L’analyse, par une équipe de scientifiques rattachée à la mission InSight, des données sismiques enregistrées sur Mars suite à un impact de météorite survenu en septembre 2021 bouleverse notre vision de la structure interne et de l’évolution de la planète rouge. Sur la base de ces résultats et des données géophysiques antérieures, une étude publiée le 26 octobre dans la revue Nature et à laquelle a participé Attilio Rivoldini, chercheur à l’Observatoire royal de Belgique, propose un nouveau modèle pour l’intérieur de Mars, avec un manteau non homogène contenant une couche de silicates fondus surplombant le noyau de métal liquide. 

Vue d'artiste de la structure interne de Mars montrant une couche en fusion à la base du manteau et au-dessus du noyau. La ligne violette représente la trajectoire suivie dans les couches de Mars par les ondes générées par l'impact de météorite survenu en septembre 2021 et déviées le long de la limite noyau-manteau. La ligne bleue représente le chemin suivi par une onde sismique réfléchie au sommet de la couche basale en fusion.  Crédits : CNES/IPGP.

Vue d’artiste de la structure interne de Mars montrant une couche en fusion à la base du manteau et au-dessus du noyau. La ligne violette représente la trajectoire suivie dans les couches de Mars par les ondes générées par l’impact de météorite survenu en septembre 2021 et déviées le long de la limite noyau-manteau. La ligne bleue représente le chemin suivi par une onde sismique réfléchie au sommet de la couche basale en fusion. Crédits : CNES/IPGP.

Les premiers résultats basés sur les données de la mission InSight ont considérablement amélioré notre connaissance de la structure interne de Mars. En supposant que le manteau est de composition homogène et entièrement solide, les résultats ont montré que le noyau de métal liquide a un rayon d’environ 1830±40 km et une densité relativement faible (6-6,2 g/cm3) avec une grande concentration d’éléments légers. La taille de ce noyau métallique a été déterminée par la détection d’ondes sismiques réfléchies à une interface solide-liquide, considérée comme étant la limite noyau-manteau.

Mais depuis, l’analyse de nouvelles données, générées par un puissant impact de météorite survenu le 18 septembre 2021, remet en question les premières estimations de la structure interne de la planète rouge. Une équipe internationale menée par Henri Samuel, chercheur CNRS à l’Institut de physique du globe de Paris, et impliquant Attilio Rivoldini de l’Observatoire royal de Belgique, a étudié les temps de propagation de ces ondes et a montré qu’une couche de silicate fondu à la base du manteau martien, au-dessus du noyau métallique, peut expliquer les nouvelles données. Sur la base de cette découverte, un nouveau modèle de structure a été déduit et publié ce 26 octobre dans la revue Nature. Ce modèle de structure est plus réaliste au regard de l’ensemble des données géophysiques et permet également d’expliquer de façon cohérente l’évolution de Mars depuis sa formation.

Une couche fondue à la base du manteau élucide la propagation anormalement lente, jusqu’alors inexpliquée, des ondes diffractées le long de la limite noyau-manteau en septembre 2021. Par ailleurs, pour plusieurs événements sismiques antérieurs, les temps d’arrivée des ondes sismiques sont compatibles avec des réflexions d’ondes sismiques de cisaillement au sommet de la couche fondue (située à plusieurs dizaines de kilomètres au-dessus du noyau métallique) et non à la limite noyau-manteau, comme on le supposait auparavant.

La présence de cette couche fondue à la base du manteau implique que le noyau métallique est 150 à 170 km plus petit (c’est-à-dire un rayon de 1650±20 km) que les estimations précédentes. « Ce noyau plus petit est également 5 à 8 % plus dense (soit 6,5 g/cm3). La fraction d’éléments légers dans le noyau est plus faible que ce que l’on pensait auparavant et est en meilleur accord avec les données cosmochimiques déduites de l’analyse des météorites martiennes et les expériences à haute pression », explique Attilio Rivoldini.

Les auteurs de l’étude proposent ainsi que Mars a connu un stade précoce d’océan magmatique dont la cristallisation a produit une couche stable à la base du manteau, fortement enrichie en fer et en éléments radioactifs. La chaleur dégagée par la désintégration radioactive a ensuite conduit à la formation d’une couche de silicates fondus au-dessus du noyau.

Le communiqué de l’IPGP : https://www.ipgp.fr/actus-et-agenda/actualites/la-mission-insight-revele-une-couche-fondue-a-la-base-du-manteau-martien/

Référence:

Samuel, M. Drilleau, A. Rivoldini, Z. Xu, Q. Huang, R. F. Garcia, V. Lekic, J.C.E Irving, J. Badro, P. H. Lognonné, J. A. D. Connolly, T. Kawamura, T. Gudkova and W. B. Banerdt, Geophysical evidence for an enriched molten silicate layer above Mars’ core ’, Nature, DOI:  10.1038/s41586-023-06601-8.

À propos d’InSight et de SEIS :

La mission InSight de la NASA a officiellement pris fin en décembre 2022 après plus de quatre années de collecte de données scientifiques uniques sur Mars.

Le JPL a géré la mission InSight pour le compte de la Direction des missions scientifiques de la NASA. InSight fait partie du programme Discovery de la NASA, géré par le Marshall Space Flight Center (MSFC), établissement de la NASA à Huntsville, Alabama. Lockheed Martin Space à Denver a construit la sonde InSight, y compris son étage de croisière et son atterrisseur, et a soutenu l’exploitation de l’engin spatial pour la mission. Le CNES a été le maître d’œuvre de SEIS et l’Institut de physique du globe de Paris (Université Paris Cité/IPGP/CNRS) en a assuré la responsabilité scientifique. Le CNES finance les contributions françaises, coordonne le consortium international (*) et a été responsable de l’intégration, des tests et de la fourniture de l’instrument complet à la NASA. L’IPGP a conçu les capteurs VBB (Very Broad Band pour très large bande passante), les a testés avant leur livraison au CNES et contribue à l’opération des VBBs sur Mars. 

Les opérations de SEIS et d’APSS ont été menées par le CNES au sein du FOCSE-SISMOC, avec le soutien du Centro de Astrobiologia (Espagne). Les données de SEIS sont formatées et distribuées par le Mars SEIS Data Service de l’IPG Paris, dans le cadre du Service National d’Observation InSight auquel contribue également le LPG et, pour les activités Sismo à l’École, GéoAzur. L’identification quotidienne des séismes a été assurée par le Mars Quake Service d’InSight, un service opérationnel collaboratif mené par ETH Zurich auquel contribuent également des sismologues de l’IPG Paris, l’Université de Bristol (UK) et Imperial College London (UK).

Plusieurs autres laboratoires du CNRS dont le LMD (CNRS/ENS Paris/École polytechnique/Sorbonne Université), le LPG (CNRS/Nantes Université/Le Mans Université/Université d’Angers), l’IRAP (CNRS/Université de Toulouse/CNES), le LGL-TPE (CNRS/École normale supérieure de Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1), l’IMPMC (Sorbonne Université/Muséum national d’Histoire naturelle/CNRS) et LAGRANGE (CNRS/Université Côte d’Azur/Observatoire de la Côte d’Azur) participent avec l’IPGP et l’ISAE-SUPAERO aux analyses des données de la mission InSight. Ces analyses sont soutenues par le CNES et l’Agence nationale de la recherche dans le cadre du projet ANR MArs Geophysical InSight (MAGIS).

(*) en collaboration avec SODERN pour la réalisation des VBB, le JPL, l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETH, Zürich Suisse), l’Institut Max Planck de Recherche du Système solaire (MPS, Göttingen, Allemagne), l’Imperial College de Londres et l’université d’Oxford ont fourni les sous-systèmes de SEIS et participent à l’exploitation scientifique de SEIS.