Une étude sur la rotation du noyau solide jette de la confusion dans les médias. Les scientifiques de l’Observatoire royal de Belgique la clarifient

Une étude sur la rotation du noyau solide jette de la confusion dans les médias. Les scientifiques de l’Observatoire royal de Belgique la clarifient


Un article de Nature Geoscience sur la rotation du noyau de la Terre (plus exactement de sa graine solide) vient d’être publié. Les médias ont été cependant induits en erreur par le communiqué de presse du journal scientifique en pensant que le noyau interne avait cessé de tourner, voire tourne dans le sens inverse de celui de la surface de la Terre, ce qui n’est pas du tout le cas. Des scientifiques de l’Observatoire royal de Belgique spécialisés dans la rotation de la Terre et des planètes clarifient ces résultats et nous donnent quelques informations sur la structure et la rotation de la Terre.

Structure interne et rotation terrestre

EarthFrLa structure interne de la Terre est divisée en couches concentriques. À quelques dizaines de kilomètres sous la surface se trouve le manteau solide qui s’étend jusqu’à environ 2900km de profondeur en moyenne. En dessous se trouve le noyau de la Terre, principalement composé de fer. Le noyau est lui-même séparé en une couche liquide qui s’étend de sa frontière avec le manteau jusqu’à une profondeur d’environ 5150km en dessous de laquelle se trouve le noyau solide (ou graine) d’un rayon d’environ 1220km à partir du centre de la Terre. C’est de cette graine qu’il est question dans l’article de Nature Geoscience.

La Terre fait un tour sur elle-même en 24h. Les mouvements de l’atmosphère, de l’hydrosphère et du noyau liquide de la Terre peuvent provoquer de petites variations de la période de rotation, appelées « variations de la durée du jour », qui peuvent être de l’ordre de quelques millisecondes. Les différentes couches qui composent la Terre sont liées entre elles par l’attraction gravitationnelle qu’elles exercent les unes sur les autres ainsi que par la force de frottement et la force électromagnétique entre le noyau et les parties solides. Par conséquent, la période de rotation de la graine solide peut présenter de petites variations par rapport à la rotation du manteau.

L’étude de Nature Geoscience

En analysant les données sismiques, des ~70 dernières années, Yi Yang et Xiadong Song de l’Université de Beijing (Chine), ont mis en évidence la possibilité d’un léger décalage entre les vitesses de rotation de la graine et du manteau qui oscillerait au cours du temps avec une période estimée entre 60 et 70 ans. Les auteurs constatent une corrélation entre la période de ces oscillations et la variation multidécennale observée dans la longueur du jour et évoquent la possibilité d’un lien entre les deux phénomènes. D’autres interprétations théoriques des données sont possibles, les recherches futures (parmi lesquelles celles effectuées à l’Observatoire royal de Belgique) permettront de trancher la question.

Ce que l’étude ne dit pas

En aucun cas, l’étude ne fait état d’une inversion du sens de rotation de la graine. Une telle inversion spontanée est impossible en vertu des lois de la physique (conservation du moment angulaire). Elle aurait par ailleurs des conséquences tout à fait spectaculaires sur le champ magnétique généré à l’intérieur du noyau liquide observables depuis la surface. Or rien de cela ne s’est produit.

L’étude apporte une nouvelle pierre à l’édifice de notre compréhension théorique du noyau terrestre et est tout à fait intéressante à ce titre.

Référence de l’article :
Yi Yand and Xiaodong Song, Multidecadal variation of the Earth’s inner-core rotation, Nature Geoscience, 2023 (publié en ligne le 23 janvier 2023). DOI:10.1038/s41561-022-01112-z.