Première lumière pour le premier télescope astronomique à miroir liquide à l’observatoire de Devasthal

Première lumière pour le premier télescope astronomique à miroir liquide à l’observatoire de Devasthal


En avril 2022, l’ILMT (télescope international à miroir liquide ; en anglais : International Liquid Mirror Telescope), situé à l’observatoire de Devasthal dans le nord de l’Inde, a été utilisé pour la première fois pour observer le ciel. Cet événement, appelé « première lumière », marque le début de ce nouveau télescope, conçu et construit par un consortium international dans lequel se trouvent la Belgique, le Canada, l’Inde, la Pologne et l’Ouzbékistan. L’équipe comprend des membres de l’Observatoire royal de Belgique, dans lequel Peter De Cat est le chef de file belge du réseau belgo-indien d’astronomie et d’astrophysique (BINA ; en anglais : Belgo-Indian Network for Astronomy and astrophysics).

L’observatoire de Devasthal et ses télescopes

Figure 1 : Vue aérienne de l’observatoire de Devasthal qui héberge l’ILMT de 4 mètres (en bas à gauche), le télescope optique de 1,3 mètre (en bas à droite) et le DOT de 3,6 mètres (DOT) (en haut à droite).

Figure 1 : Vue aérienne de l’observatoire de Devasthal qui héberge l’ILMT de 4 mètres (en bas à gauche), le télescope optique de 1,3 mètre (en bas à droite) et le DOT de 3,6 mètres (DOT) (en haut à droite).

L’observatoire de Devasthal est un nouveau site astronomique en Inde, situé à 2450 mètres d’altitude dans la région de Kumaun dans l’Himalaya dans le district de Nainital dans l’État d’Uttarakhand (voir Figure 1). C’est un excellent site pour les observations astronomiques avec une visibilité médiane de 1,1 seconde d’arc et environ 175 nuits photométriques par an. Cet observatoire est exploité par ARIES (l’institut de recherche Aryabhatta des sciences d’observation ; en anglais : Aryabhatta Research Institute of Observational Sciences) à Nainital (Inde) et héberge actuellement trois télescopes : un télescope optique de 1,3 mètre, le DOT (télescope optique de Devasthal ; en anglais : Devasthal Optical Telescope) de 3,6 mètres, et l’ILMT de 4 mètres. Ces deux derniers sont des télescopes dits « indo-belges ». Ils sont tous les deux construits par la société AMOS (systèmes mécaniques et optiques avancés ; en anglais : Advanced Mechanical and Optical Systems) et CSL (Centre Spatial de Liège) en Belgique.

Le DOT est un télescope Ritchey-Chrétien d’un diamètre de 3,6 m qui a démarré ses opérations scientifiques en avril 2017. La Politique scientifique fédérale (BELSPO) a investi 2 000 000 € dans la construction du DOT. En contrepartie de l’aide financière, 7 % du temps d’observation avec le DOT est réservé à des projets menés par des astronomes belges. Actuellement, quatre instruments sont disponibles : IMAGER (pour l’imagerie optique), TIRCAM2 (pour l’imagerie proche de l’infrarouge), ADFOSC (pour l’imagerie et la spectroscopie à basse résolution) et TANSPEC (pour l’imagerie et la spectroscopie à moyenne résolution). Un spectrographe à haute résolution est en cours de construction par l’Australian Astronomical Optics (AAO) de l’Université Macquarie (Sydney, Australie) et devrait être rattaché au DOT fin 2024.

L’ILMT est un télescope zénithal : un télescope qui ne peut pointer que vers le zénith (le point le plus haut du ciel d’un lieu d’observation donné). Son composant principal est un récipient circulaire d’un diamètre de 4 mètres qui est rempli d’environ 50 litres de mercure liquide, pesant près de 700 kg. Il tourne rapidement autour d’un axe vertical à une vitesse constante pour que le mercure liquide forme une surface réfléchissante parabolique de 4 mm d’épaisseur. Le récipient est recouvert d’une fine couche de mylar (un type de Tplastique spécifique) pour protéger le mercure liquide du vent et empêcher les vapeurs toxiques du mercure liquide de s’échapper. La lumière réfléchie traverse plusieurs lentilles pour produire des images nettes. Un grand CCD (dispositif à couplage de charge ; en anglais : charge-coupled device), placée au foyer du miroir, couvre un champ de vision de 27 x 27 minutes d’arc du ciel (60 minutes d’arc correspondent à 1 degré d’angle). Un CCD est une puce qui convertit le rayonnement électromagnétique que nous recevons des étoiles en une charge électrique pour créer une image. Le CCD de l’ILMT se compose d’environ 1,68 million de pixels qui sont disposés en 4096 lignes et 4096 colonnes. Il enregistre les images en mode de décalage temporel et d’intégration, un dispositif permettant de capter des astres peu lumineux en mouvement. Dans le mode de décalage temporel et d’intégration, les colonnes CCD sont alignées avec le mouvement linéaire des étoiles tandis que la vitesse de lecture des lignes du CCD est synchronisée avec le taux de rotation de la Terre. La lumière d’un objet céleste est donc accumulée tant qu’il reste dans le champ de vision (pendant 102 secondes), ce qui rend le télescope parfaitement adapté à l’observation d’objets faibles et diffus. De cette façon, l’ILMT peut créer une image d’une bande du ciel large de 27 minutes d’arc passant au-dessus de l’observatoire Devasthal chaque nuit.

« Le premier télescope à miroir liquide qui sera entièrement dédié aux observations astronomiques »

Le projet ILMT est une initiative belge menée par des membres de l’Université de Liège (ULiège) en collaboration avec des instituts partenaires en Belgique, au Canada, en Inde, en Pologne et en Ouzbékistan. L’Observatoire royal de Belgique (ORB) a participé à la conception optique du correcteur et a contribué financièrement à la caméra CCD. L’ILMT a été utilisé pour la première fois pour des observations astronomiques en avril 2022 [1] [2] (Figure 2). Après la fermeture de l’observatoire à cause de la mousson (de juin à septembre) et une phase de mise en service de quelques mois, les observations scientifiques de l’ILMT devraient démarrer début 2023. Ainsi, l’ILMT est le deuxième grand télescope optique de 3 à 4 mètres de diamètre qui devient opérationnel à l’observatoire de Devasthal et auquel les astronomes belges ont accès.

Les télescopes à miroir liquide sont beaucoup moins chers que les télescopes ordinaires de taille équivalente, où le verre aluminisé est utilisé comme surface réfléchissante. « La conception de ce type de télescope n’est pas nouvelle, mais l’ILMT est le premier télescope à miroir liquide qui sera entièrement dédié aux observations astronomiques », déclare Prof. Jean Surdej (ULiège ; Université de Poznan, Pologne), initiateur et chef du projet ILMT. Les télescopes à miroir liquide précédents étaient principalement utilisés pour le suivi de satellites ou à des fins militaires. L’ILMT collectera des données pendant (au moins) cinq ans, ce qui permettra d’effectuer une étude approfondie de la variabilité photométrique et astrométrique des objets dans la bande d’observation de l’ILMT. « Cet ensemble de données sera parfaitement adapté à la recherche et à l’étude de sources stellaires variables et transitoires, mais nous sommes dans une situation favorable, car le DOT peut être utilisé pour collecter efficacement les données complémentaires nécessaires à des études approfondies de ce type d’objets », explique Peter De Cat (ORB). Il est le chef de projet belge de BINA : un réseau créé en 2016 pour favoriser les collaborations entre des instituts belges et indiens dans le but d’optimiser l’utilisation du DOT, de l’ILMT et d’autres télescopes accessibles grâce à ces collaborations. Il est soutenu par BELSPO en Belgique et par DST (Division internationale, Département de la science et de la technologie ; en anglais : International Division, Department of Science and Technology) en Inde. « Maintenant que l’ILMT est prêt, BINA peut enfin avancer à toute vitesse », ajoute-t-il.

Figure 2 : Une des premières images de l’ILMT, composée d’une superposition de trois observations individuelles dans trois couleurs différentes d’une petite portion du ciel contenant la galaxie NGC 4274 (coin supérieur droit).

Figure 2 : Une des premières images de l’ILMT, composée d’une superposition de trois observations individuelles dans trois couleurs différentes d’une petite portion du ciel contenant la galaxie NGC 4274 (coin supérieur droit).

L’observatoire de Devasthal a le potentiel de devenir un site astronomique de premier plan au monde, avec de nombreuses nouvelles occasions d’observation et de recherche pour les astronomes belges.

[1] https://dst.gov.in/unique-liquid-mirror-telescope-sees-first-light-indian-himalayas< /br>
[2] https://www.news.uliege.be/cms/c_16308254/fr/l-uliege-al-origine-d-un-telescope-unique-a-miroir-liquide-dans-l-himalaya-indien